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  • Les 40 ans de l’abolition de la peine de mort en France

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    Il y a tout juste quarante ans, le 10 octobre 1981, paraissait au Journal officiel la loi n° 81-908 entérinant l’abolition de la peine de mort en France. François Mitterrand, fraîchement élu à la présidence de la République, en avait fait une promesse de campagne inscrite noir sur blanc dans son programme. Avec cette loi, défiant pourtant une grande majorité de l’opinion publique (à l’époque, 63 % des Français se déclaraient partisans de la guillotine), la France devenait le 35e pays abolitionniste au monde.

     

    Un peu d’histoire

     

    En 1791, les législateurs adoptent la décapitation mécanique avec la guillotine comme unique moyen d’exécuter la peine capitale en France (en dehors de la mort par balles réservée aux exécutions militaires). L’article 3 du Code pénal stipule que « tout condamné à mort aura la tête tranchée ».

    À cette époque, trente-deux types de crimes tels le parricide, l’infanticide, mais aussi la fabrication de fausse monnaie ou encore l’incendie volontaire font encourir la mort aux accusés, contre une centaine à la fin de l’Ancien Régime. L’adoption de cette nouvelle machine est favorisée par le contexte de la fin du XVIIIe siècle, où le débat politique et moral met en lumière la nécessité de « moderniser » la justice pénale. Les supplices barbares d’avant la Révolution laissent donc place à une uniformisation allant de pair avec une « démocratisation » de la décapitation jusqu’alors réservée à la noblesse. Ce mode d’exécution fut préféré à d’autres afin d’épargner aux condamnés des souffrances aussi atroces qu’inutiles.

     

    En Loir-et-Cher

     

    L’occasion nous est donnée de revenir en chiffres sur le passage de la sinistre machine en Loir-et-Cher, durant presque deux siècles. 

     

    La « Veuve » (surnom le plus répandu), « l’abbaye de monte-à-regret » (comme une abbaye, l’échafaud sépare de ce bas monde, et c’est à regret qu’on en monte les marches), « le Rasoir national » (sous la Révolution essentiellement), « le coupe-cigare », « Louison » ou « Louisette » (du nom de Louis Guillotin) ou encore « la bascule à Charlot » (le bourreau officiel sous la Révolution s’appelait Charles-Louis Sanson) a sévi, en Loir-et-Cher, à quarante-quatre reprises entre mai 1797 (cf. article de la Nouvelle République) et septembre 1933, date de la dernière exécution réalisée dans le département, celle d’Élie Lagarde à Vendôme. En moyenne, les 40 kg du couperet de la lame rencontraient un cou sur le billot tous les trois ans.

     

    La plupart des exécutions ont eu lieu à Blois, chef-lieu de l’autorité judiciaire locale. D’abord installés dans la rue d’Angleterre puis sur la place du Bureau de bienfaisance (en face du château), les « bois de justice » ont ensuite migré sur le Champ de Foire (près de la Halle aux grains d’aujourd’hui) et enfin vers la Grand-Pièce (actuelle place Tien An Men).

    Mais la guillotine s’est également transportée à Vendôme à sept reprises (sur la place du Champ de Foire de l’Islette, actuelle place de la Liberté) ainsi qu’à Romorantin par deux fois (place d’Armes, aujourd’hui place de la Paix), notamment pour la tristement célèbre affaire des parricides de Selles-Saint-Denis. L’exécution de Georgette Thomas fut tellement éprouvante pour le bourreau Louis Deibler qu’il s’en épanchera très largement dans la presse de l’époque. La petite histoire raconte que c’est en partie pour cette raison qu’elle fut la dernière femme à avoir été exécutée en public en France (cf. notre document du mois de janvier 2017). 

     

    Il est à noter, fait plus surprenant, qu’en dehors de ces grandes villes où se trouvaient les prisons départementales, l’exécuteur des hautes-œuvres, autrement dit le bourreau, eut l’occasion d’affûter la lame de sa guillotine, de manière isolée, à Mer, Saint-Aignan ou encore Contres (respectivement en 1819, 1824 et 1827).

     

    Les condamnés à mort étaient très majoritairement des hommes : trente-sept pour sept femmes. Outre les époux Thomas, d’autres couples d’assassins ont vu leurs têtes tomber dans la sciure du maudit panier : les Pasquier à Blois, en 1824, ou encore les amants empoisonneurs Rougier-Hogu de Vendôme, en 1845, qui se débarrassèrent de concert de leurs conjoints respectifs !

     

    À l’instar du reste du pays, les condamnations à mort prononcées en Loir-et-Cher sanctionnaient dans la très grande majorité des cas des crimes commis envers des personnes : empoisonnements, assassinats, parricides, meurtres, infanticides, plus rarement dans le cadre d’un incendie volontaire (François Doire, exécuté à Blois le 19 janvier 1821), ou de fausse monnaie (Antoine Mosnier, exécuté à Blois le 3 avril 1813).

    Ces spectacles macabres pourtant très bien orchestrés connaissaient parfois des incidents de guillotine. Ce fut notamment le cas avant la décollation annoncée d’Auguste Gouin, le 28 avril 1841 à Blois. Une maintenance hasardeuse de la sinistre machine avait retardé de près de cinq heures l’exécution du condamné, alors même qu’il avait été réveillé et prévenu du rejet de son pourvoi et de son recours en grâce.

     

    Aux XIXe et XXe siècles, le département de Loir-et-Cher ne semble pas avoir compté parmi les plus criminogènes de l’Hexagone. Tout au plus peut-on lui reconnaître une criminalité plus appuyée dans les vallées fluviales (Loire, Cher, Loir) où était rassemblée une grande partie de la population, près des grands axes de circulation.

     

    Aujourd’hui, 108 pays (soit la majorité des États dans le monde) ont aboli la peine de mort dans leur législation pour tous les crimes, et 144 sont abolitionnistes en droit ou en pratique. En 2020, 1477 condamnations à mort ont été recensées dans 54 pays, soit 36 % de moins qu'en 2019 (chiffres ONG Amnesty International).

     

    Documents à consulter dans la galerie d'images

    • Liste des témoins appelés lors du procès Rougier-Pilon, audience de la Cour d'assises du 15 novembre 1844 : 2 U 3/53
    • Rejet du pourvoi en cassation de Joseph Rougier et Marie Pilon veuve Hogu (30 janvier 1845) : 2 U 3/53
    • Courrier de la Chancellerie rejetant la grâce présidentielle (aff. Élie Lagarde - 1933) : 2 U 3/170
    • Une de la Nouvelle République du Centre-Ouest relative à la plaidoirie abolitionniste de R. Badinter, 18 septembre 1981 : 166 PER 1981/9
    • Une de la Nouvelle République du Centre-Ouest relative à l'abolition de la peine de mort, 19-20 septembre 1981 : 166 PER 1981/9

     

    Pour en savoir plus

     

    Archives 

    Sous série 2 U (Cour d’assises de Blois) : 

    • Listes annuelles du jury criminel (1912-1930, 1935-1939) : 2 U 3/184-185
    • Comptes rendus de sessions (1811-1940) : 2 U 3/6-183
    • Dossiers de la cour d'assises : 2 U 3/1-183

     

    Bibliothèque 

    • Presse locale (L’Avenir : PER 20 ; La Nouvelle République du Centre-Ouest : PER 166) 
    • Christine Lescène, Les exécuteurs de Haute justice de Blois, Mémoire de généalogie, Brive, 1992, 153 p. : GF 854
    • Claude Boussereau, La Justice à Blois, Nantes, Éditions Amalthée, 2005, 449 p. : GF 1227
    • Pascal Nourrisson, Les Grandes Affaires Criminelles du Loir-et-Cher, Romagnat, Éditions De Borée, 2006, 331 p. : GL 414
    • Pascal Nourrisson, Les Nouvelles Affaires Criminelles du Loir-et-Cher, Romagnat, Éditions De Borée, 2007, 312 p. : GL 427
    • Pascal Nourrisson, Les Incroyables Affaires Criminelles du Loir-et-Cher, Romagnat, Éditions De Borée, 2009, 379 p. : GL 438
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